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Et pour imiter les Hellènes !
Reprenez-les pour vaincre… et, fût-ce pour mourir,
Ils seront moins lourds que vos chaînes.

Vainqueurs, sauvez les Grecs !… Vous manquez de vaisseaux !
Venise traîne encor son linceul en lambeaux :
Comme une voile immense, eh bien ! qu’il se déploie
Au faîte de ces tours qui nagent sur les eaux,
A ses flèches de marbre, aux pointes des créneaux
Où volent ces oiseaux de proie !
Venise avec ses tours et ses palais mouvants,
Ses temples que la mer balance,
Va flotter, va voguer, conduite par les vents,
Aux bords où pour les Grecs le passé recommence.
Partez ! et puisse-t-elle, aux flots s’abandonnant,
Refleurir près d’Athène à sa splendeur rendue,
Et recouvrer en la donnant
La liberté qu’elle a perdue !

Tais-toi, muse, tais-toi ! le sommeil de la mort
Pèse encor sur ce peuple et ferme son oreille.
En voulant réveiller cet esclave qui dort,
Crains pour toi l’oppresseur qui veille.
Dans ces murs, où souvent un seul mot répété
A provoqué des Dix la rigueur ténébreuse,
La tyrannie est ombrageuse,
Comme autrefois la liberté…

Gondolier, je reviens ; en fendant les lagunes,
Rends à ton noir esquif son doux balancement,
Et chante-moi les infortunes
De Clorinde et de son amant.