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de l’ennemi, les chirurgiens ferment l’huis. Santeul, qui prétend faire le cours, soulève le marteau et perd ses efforts « nonobstant plus de quarante coups donnés avec le gros battoir ». Pour toute réponse, il entend à l’intérieur un grand bruit de verrous qu’on pousse ; et pendant trois quarts d’heure les assiégeants contemplent la porte, et le peuple attroupé contemple les docteurs, et leur mine amuse prodigieusement la concierge de Saint-Côme qui les regarde impudemment par la fenêtre du deuxième étage[1].

Vaincue en bataille rangée, la Faculté recourut à la diplomatie. Les chirurgiens intriguaient pour que leurs livres ne fussent plus soumis à la censure des médecins. Les docteurs Leaulté et Le Roy de Saint-Aignan allèrent à Versailles implorer l’appui de leurs puissants collègues Dodart, Helvétius et Boudin, auprès du garde des sceaux : celui-ci entendit leur requête et les assura de ses bonnes intentions ; pour ce qui regardait les démonstrateurs de Saint-Côme, Helvétius en parla au roi, et écrivit le 4 décembre 1725 au doyen Andry que S. M. ne voulait point attenter aux privilèges de l’École. D’ailleurs des Lettres patentes royales du 3 février 1726 maintinrent provisoirement le statu quo sans rien préjuger des droits des parties, qu’elle renvoya en la Cour. Et voilà la justice en branle et les grimoires qui s’entassent ; l’Université, par la plume de son recteur Dagoumer, rédige un gros mémoire éploré : « L’école de la Faculté de médecine est l’école de la chirurgie fondée par nos Rois ; jusqu’ici il n’y en a point eu d’autres… pourquoi la ruiner ?… Le nouvel établissement des cinq démonstrateurs en chirurgie devoit, suivant les règles, s’exécuter dans les écoles de la Faculté de médecine… Les chirurgiens n’ont point droit et sont incapables d’enseigner dans un auditoire public. »

— Ils en sont incapables, reprend la Faculté, et les affiches ayant annoncé que le sieur Petit ouvrirait le 27 août 1727 son cours sur les principes de la chirurgie, les médecins demandent qu’ « il soit fait défenses au sieur Petit et aux chirurgiens de faire aucun cours de chirurgie théorique ni aucune dissection sans la présence d’un docteur en médecine qui interprétera la

  1. Commentaires, t. XIX, fo 93-96.