Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Adam Smith avait assez vécu pour jouir de sa gloire. Il avait eu la satisfaction de voir la Richesse des Nations traduite dans toutes les langues et de constater que ses idées commençaient à être partagées par l’opinion publique. Il avait été consulté souvent par le Ministre, et William Pitt ne craignait pas de mettre en jeu sa propre popularité pour faire passer dans la pratique les théories commerciales du célèbre économiste[1].

Ce succès ne devait que grandir encore après sa mort. Dès 1792, son nom, invoqué à la Chambre des Communes, était accompagné des épithètes les plus élogieuses, et Pitt abritait ses réformes fiscales sous l’autorité du Dr Smith, « auteur qui malheureusement n’est plus, disait-il, mais dont les connaissances étendues jusqu’aux détails et la profondeur des recherches philosophiques fournissent, je crois, les meilleures solutions à toutes les questions qui se rattachent à l’histoire du commerce ou aux systèmes d’économie politique »[2]. Introduites au Parlement sous un tel patronage et adoptées par quelques membres influents, ses doctrines avaient été écoutées d’abord avec étonnement ; mais, « d’année en année, dit Buckle[3], la grande vérité fit son chemin, s’avançant toujours, ne reculant jamais ; quelques hommes de talent désertèrent d’abord les rangs de la majorité, des membres ordinaires les suivirent bientôt ; puis la majorité passa à l’état de minorité et cette minorité commença elle-même à se dissoudre. » Pulteney avait donc eu raison, quand, en 1797, dans un de ses discours sur les finances, il affirmait que le célèbre économiste « persuaderait la génération présente et gouvernerait la prochaine »[4]. Dans toutes les discussions économiques ou fiscales, on s’arrache maintenant le nom de Smith, toutes les écoles fouillent son œuvre pour y trouver des

  1. Voir les discours de Pitt sur les Rapports commerciaux avec l’Irlande (22 février 1785) et sur le Traité de commerce signé avec la France le 26 septembre 1786. — Rapprocher notamment les projets de Pitt sur l’Irlande du projet d’Union développé par Adam Smith dans ses Recherches, t. II, p. 663.
  2. Vie de William Pitt, par lord Stanhope, traduct. Guizot, t. II, p. 139.
  3. Thomas Buckle : Histoire de la Civilisation en Angleterre, traduct. Baillot, t. I, p. 240.
  4. Parliamentary History, t. XXIII, p. 778, loc. cit.