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maintenant, après vingt-trois ans d’absence, me voir rappelé au souvenir de mes amis d’une manière si agréable, c’est un sentiment qui pénètre mon cœur d’une joie pure et que je ne saurais bien vous exprimer. »

Malheureusement les dernières années de cette vie si calme et si heureuse furent assombries par des deuils de famille. Au moment même où Adam Smith fut élu recteur, sa mère était déjà morte depuis trois ans, et miss Douglas qui avait pour son parent l’affectueuse sollicitude d’une sœur, ne tarda pas à la suivre dans la tombe. En même temps les infirmités commençaient à se faire sentir et rendaient la solitude encore plus pénible au philosophe. Il avait cependant encore avec lui un de ses proches, le jeune David Douglas, qui fut plus tard lord Strathenry et dont il avait entrepris l’éducation ; mais ce jeune homme ayant grandi, Smith craignit de nuire à son avenir en le gardant avec lui, et, l’année même de la mort de miss Douglas, il n’hésita pas à l’envoyer à Glasgow pour lui faire étudier le droit sous la direction d’un maître distingué, Millar, qui venait de publier avec éclat son Historical view of the English government.


À partir de cette époque, les forces de Smith déclinèrent rapidement. Toutefois, sentant les approches de la mort, il voulut revoir sa Théorie des sentiments moraux à laquelle il désirait depuis longtemps faire certains changements et de nombreuses additions. Cet ouvrage avait toujours été l’objet de sa constante prédilection, comme de celle de la plupart de ses contemporains, et l’auteur le mettait bien au-dessus de ses Recherches sur la Richesse. Il eut le bonheur de vivre assez longtemps pour en voir la nouvelle édition.


Avant de mourir, il tint aussi à faire détruire ceux de ses manuscrits qu’il ne voulait pas laisser publier.

Ce dessein n’était pas nouveau, d’ailleurs, dans son, esprit, et, dès 1773, au moment d’un voyage à Londres, il écrivait déjà à son ami David Hume la lettre que l’on va lire[1] pour lui faire connaître ses intentions :

  1. Dugald Stewart, traduct. P. Prevost, loc. cit.