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il n’a fait mention de son intention d’écrire l’histoire de la jurisprudence, et nulle part il n’a renouvelé les allusions contenues dans sa Théorie des sentiments moraux au sujet de cette partie de son vaste plan. Certains biographes affirment, il est vrai, qu’il ne paraît jamais avoir perdu toute idée d’utiliser les documents qu’il avait recueillis, et qu’il songea formellement à les publier dans les dernières années de sa vie, sous forme d’un Examen critique de l’Esprit des Lois ; mais cette dernière information, qui ne repose que sur les racontages d’un journal[1], nous paraît peu certaine, et nous croyons plus volontiers qu’Adam Smith, fier du succès de ses œuvres, recula jusqu’à la fin devant toute autre publication qui, édifiée avec des matériaux insuffisants, eût pu porter atteinte à sa gloire.


À Édimbourg, il se livra tout entier aux obligations de sa profession. Quoique ses occupations fassent très simples et qu’elles n’exigeassent pas de grands efforts intellectuels, elles ne lui laissaient aucun loisir, et non-seulement il ne publia rien, mais encore il étudia fort peu. Il vécut ainsi tranquillement, pendant les quatorze années qui s’écoulèrent jusqu’à sa mort, au milieu de ses compagnons de jeunesse et recherché par l’élite de la société écossaise ; on l’aimait pour la noblesse de son caractère, pour sa gaieté, sa sérénité inaltérable, pour la chaleur et l’empressement qu’il mettait à rendre service.


Sa conversation d’ailleurs, parfois originale, était toujours pleine de charmes, et nous ne pouvons mieux faire que de citer à cet égard les impressions d’un témoin éminent de ses entretiens, Dugald Stewart, qui, professeur de philosophie à Édimbourg en 1784, put ainsi apprécier, dans le commerce même du Dr Smith, la tournure de son esprit et la vivacité de son imagination :

« Il est peut-être impossible, écrivait Dugald Stewart dans son Éloge de Smith[2], d’indiquer les nuances délicates qui

  1. Voir le Moniteur universel du jeudi 11 mars 1790.
  2. Présenté à la Société royale d’Édimbourg, et traduit, en tête des Essais philosophiques, par P. Prevost, de Genève.