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bordonnés qui lui apportait une pièce à viser, en imitant la signature de son prédécesseur placée au-dessus, au lieu de donner la sienne propre.

Nous reconnaissons donc volontiers que le Gouvernement ne pouvait faire un plus mauvais choix. Mais certains biographes, se plaçant à un autre point de vue, ont aussi regretté pour la postérité, cette interruption dans la vie littéraire de Smith : nous croyons que c’est à tort. L’auteur des Recherches avait recueilli, il est vrai, de nombreux documents, non-seulement pour son Traité du Droit', mais encore pour cette autre partie de l’Histoire de la Civilisation qui a trait à la marche des sciences et des arts, et il avait même commencé à en écrire des fragments dont les principaux ont été conservés et publiés après sa mort sous le titre d’Essais philosophiques. Toutefois, en ce qui concerne les sciences et les arts, les matériaux rassemblés jusque-là étaient réellement trop insuffisants et Smith se rendait compte des difficultés qu’il rencontrerait pour s’en procurer de nouveaux : son siècle n’avait pas encore accumulé assez d’observations pour permettre d’entreprendre un pareil travail, et il sentait bien que, dans ces conditions, il ne lui serait pas possible de donner une base expérimentale assez large à ses théories.

Quant à l’histoire du Droit, elle était mieux connue ; mais Montesquieu avait tiré un si merveilleux parti de tous les faits et il avait produit, dans cette partie de la science, un monument si considérable que le Dr Smith dut craindre certainement de mettre une œuvre trop peu mûrie en parallèle avec l’Esprit des Lois. Écrire après Montesquieu, sur le même sujet, pouvait être une témérité dangereuse, et l’auteur des 'Recherches qui, au fond, avait grand souci de sa réputation, dut reconnaître qu’à cinquante-trois ans, il était peut-être imprudent de tenter de composer à la hâte un ouvrage de cette importance dont l’élaboration aurait exigé la vie entière d’un homme.

Aussi nous ne serions pas éloigné de croire qu’au moment où il termina la Richesse des Nations, Smith avait déjà complètement abandonné l’espoir de publier son Traité du Droit, car, dans aucun passage de son grand ouvrage, ni à propos de la législation douanière, ni en examinant l’administration de la justice,