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qu’elle lui avait promis à son départ de Glasgow, et, en 1778, il était nommé commissaire des douanes avec résidence à Édimbourg.

On a parfois reproché à l’auteur des Recherches d’avoir accepté ces fonctions qui le forçaient à appliquer une législation douanière contre laquelle il s’était élevé avec tant de violence dans ses ouvrages, et, dans l’enceinte même de notre Académie des Sciences, un savant distingué, M. Flourens, n’a pas craint de lancer à cet égard contre Adam Smith une accusation de mauvaise foi[1].

Nous ne pouvons laisser passer cette attaque sans la relever, non seulement pour la gloire d’Adam Smith dont la probité scientifique est indiscutable, mais aussi dans l’intérêt de l’économie politique elle-même que l’éminent physiologiste a voulu atteindre dans un des plus illustres de ses fondateurs. Cette attaque inattendue prouve que le célèbre académicien ne connaissait que superficiellement celui qu’il condamnait, sans, quoi il eût appris, par la lecture de ses œuvres comme par l’étude de sa biographie, à respecter cette grande et sympathique figure du savant modeste et désintéressé qui n’avait en réalité pour seul but que le bonheur de l’humanité. N’eût-il que parcouru la Théorie des sentiments moraux qu’il n’eût pu se défendre d’une véritable admiration pour le caractère de l’auteur. Il aurait vu que ce n’était pas seulement à la fin de sa vie, comme commissaire des douanes, que Smith avait accepté la législation existante, et qu’au contraire, sa plus constante préoccupation avait toujours été d’éviter, en cette matière plus qu’en toute autre, les réformes trop radicales et trop brusques qui troublent la production et violent les droits acquis[2]. Mieux

  1. Nous voulons parler du passage suivant de l’Éloge de M. Benjamin Delessert, lu à l’Académie des sciences par M. Flourens, au mois de mars 1850 : « Adam Smith lui apprit, par ses livres, à raisonner clairement sur l’économie politique, et, par son exemple, à ne pas trop se fier à ses raisonnements : le partisan le plus zélé du libre-échange est mort commissaire général des douanes en Écosse. »
  2. « Tels sont, dit-il quelque part, les malheureux effets de tous les règlements du système mercantile ! Non-seulement ils font naître des maux très dangereux dans l’état du corps politique, mais encore ces maux sont tels qu’il est souvent difficile de les guérir sans occasionner, pour un temps au moins, des maux encore plus grands. » (Rich. des Nations, II, 233).