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agréable dans le monde, mais si souvent accompagnée de qualités frivoles et superficielles, s’alliait en M. Hume avec l’application la plus sérieuse, les connaissances les plus variées, la plus grande profondeur de pensée, et l’esprit à tous égards le plus étendu. Enfin, je l’ai toujours regardé, pendant sa vie et après sa mort, comme l’homme le plus approchant de l’idée qu’on se forme d’un homme parfaitement sage et vertueux, que peut-être ne le comporte la nature et la faiblesse humaine ».


Cette apologie était certainement empreinte d’une forte exagération. En effet, quelque favorable que puisse être le jugement que l’on ait à porter sur le caractère de David Hume, on ne peut nier que le célèbre historien ait été souvent disposé à abuser de son esprit contre ses adversaires. Ses amis mêmes ne furent pas à l’abri de ses saillies parfois incisives, et nous avons vu que le trait le plus piquant de la fameuse lettre d’Horace Walpole contre J.-J. Rousseau n’était que la répétition d’un mot de Hume sur la manie de la persécution qui affligeait son malheureux ami. D’ailleurs, la lecture même de l’histoire de sa vie, que venait compléter la lettre du Dr Smith, forçait à reconnaître, qu’au moins dans ses derniers moments, il avait été injuste et même impertinent à l’égard de ses adversaires, notamment, du Dr Warburton, évêque de Glocester[1]. Aussi la dernière phrase de cette lettre de Smith souleva une tempête. On ne put se résoudre à voir, dans le philosophe sceptique qui niait l’existence d’un Dieu, un modèle de perfection et de vertu, et les plus modérés estimaient tout au moins, comme l’a dit le Dr Carlyle, que Hume avait moins vécu toute sa vie en homme moral qu’en investiga-

  1. On en jugera par les deux passages suivants : « On imprimait dans une année deux ou trois réponses à mes écrits, faites par des révérends et très révérends auteurs, et je jugeai, par les invectives du Dr Warburton, que mes livres commençaient à être estimés en bonne compagnie. » Et plus loin : « Dans cet intervalle, je publiai à Londres mon Histoire naturelle de la religion, avec quelques autres morceaux. Cette nouvelle production resta d’abord assez obscure ; seulement le Dr Hurd y répondit par un pamphlet écrit avec toute l’arrogance, l’amertume et la grossièreté qui distinguent l’école Warburtonienne. Ce pamphlet me consola un peu de l’accueil assez froid d’ailleurs qu’on fit à mon ouvrage. » (Vie de Hume, traduction Suard).