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CHAPITRE IV


De retour en Angleterre, Adam Smith s’empressa d’aller rejoindre sa mère à Kirkaldy. D’ailleurs, il avait hâte de remettre de l’ordre dans ses idées. Durant les années qu’il venait de passer en France, il avait tant étudié, tant observé, tant vu de choses différentes de celles qu’il avait eues jusque-là sous les yeux, qu’il éprouvait le besoin d’être seul pour classer ses observations, les digérer, et contrôler ainsi, soit ses propres doctrines, soit celles qu’il avait entendu soutenir si brillamment dans la société des physiocrates. Aussi il se condamna à une solitude presque absolue, vivant de la pension que lui avait assurée la famille de Buccleugh et ne faisant que de rares apparitions à Édimbourg et à Londres. Le calme de la retraite convenait d’ailleurs parfaitement à ses goûts et il le préférait de beaucoup à l’existence fiévreuse et agitée qu’il venait de mener à Paris. « Mon occupation ici, écrivait-il à Hume[1], est l’étude, dans laquelle je suis très profondément plongé depuis un mois environ. Mes distractions consistent dans de longues et solitaires promenades au bord de la mer. Vous pouvez juger comment je passe mon temps. Je suis cependant extrêmement heureux, à mon aise, et content ; je ne l’ai peut-être jamais été à un plus haut point à aucun moment de ma vie. »

Durant les premières années au moins qu’il passa à Kirkaldy, Smith ne paraît pas s’être attaché exclusivement à la préparation de son grand travail sur la Richesse des Nations. Nous montrerons en effet, dans notre IIe Partie, que cet ouvrage, dans lequel on a voulu voir souvent un traité d’économie politique, n’est en réalité qu’un fragment d’une histoire plus générale de

  1. Lettre en date du 7 juin 1767, publiée par lord Brougham. (Lives of men of letters, etc., etc.)