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tar, ne respire que l’encens, et ne marche que sur des fleurs[1]. » Il est probable qu’il aurait désiré garder avec lui son ami Smith et le présenter dans le monde où il était reçu ; mais les instructions de sir Townsend étaient sans doute formelles, car les deux voyageurs ne restèrent que dix jours dans la capitale de la France, puis ils partirent pour Toulouse.

Toulouse était d’ailleurs, à cette époque, un centre intellectuel considérable et le siège d’un Parlement fameux par ses luttes contre le pouvoir royal ; elle possédait une Université très-renommée et une bibliothèque fort remarquable. Il est donc possible aussi qu’Adam Smith ait préféré cette résidence, afin de se familiariser peu à peu avec notre génie national, avant de se jeter au milieu du mouvement littéraire et philosophique de cette société tourmentée de Paris, si différente de la société écossaise et qu’il n’avait fait qu’entrevoir en passant. À Toulouse, il pouvait à loisir se perfectionner dans l’étude et la pratique de notre langue, tout en recueillant par lui-même, sur les mœurs, les coutumes, l’esprit public, sur l’état général du pays, au point de vue matériel et moral, des observations qu’il n’eut pu faire à Paris même, car, sous bien des rapports, la France de Paris était toute différente de celle des provinces. Enfin, il trouvait là le calme qui convenait à ses recherches et qui lui était indispensable pour étudier utilement nos institutions. À vrai dire, le français qu’il entendit sur les bords de la Garonne était loin d’être aussi pur que le français de l’Île-de-France, et, quand il arriva à Paris, on trouva qu’il parlait fort mal notre langue »[2]. Néanmoins, il en avait appris assez pour soutenir, sur les sujets les plus variés et les plus techniques, des conversations de plusieurs heures, pour profiter des relations qu’il comptait entretenir avec les philosophes, et son but était atteint.

Cependant Toulouse lui paraissait peu agréable, car il n’y connaissait presque personne, et, habitué jusqu’alors à se voir recherché, tant à Édimbourg qu’à Glasgow, par l’élite de la so-

  1. Life of David Hume, by Edward Ritchie. — Villemain : Littérature au xviiie siècle, t. II, p. 368.
  2. L’abbé Morellet : Mémoires.