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cier par les hommes de goût et les gens de lettres de l’Europe entière. L’heureux talent qu’il possédait de jeter du jour sur les sujets abstraits, l’assiduité à communiquer les connaissances utiles et l’exactitude à s’acquitter des devoirs de sa charge, qui le caractérisaient comme professeur, étaient, pour les jeunes gens confiés à ses soins, une « source de plaisir et de solide instruction. »

On lui donna un successeur digne de lui dans la personne du célèbre philosophe Reid qui illustrait depuis onze ans la chaire de philosophie de l’un des collèges d’Aberdeen et qui devait continuer, d’une manière si brillante, la tradition de l’école écossaise, dans la chaire même de ses fondateurs.

Adam Smith rencontra à Paris son ami David Hume qui, secrétaire d’ambassade auprès de lord Hertford, était alors l’objet d’un véritable engouement. Cet engouement était général, bien que l’on eût peine à l’expliquer parfois chez certaines gens dont les idées paraissaient être, en tous points, bien peu d’accord avec celles du célèbre historien. « M. Hume doit aimer la France, disait Grimm dans sa Correspondance[1], non sans quelque pointe d’ironie ; il y a reçu l’accueil le plus flatteur. Paris et la Cour se sont disputé l’honneur de se surpasser. Cependant M. Hume est bien aussi hardi dans ses écrits philosophiques qu’aucun philosophe de France. Ce qu’il y a encore de plaisant, c’est que toutes les jolies femmes se le sont arraché et que le gros philosophe écossais se plaît dans leur société. C’est un excellent homme que David Hume : il est naturellement serein ; il entend finement ; il dit quelquefois avec sel, quoiqu’il parle peu ; mais il est lourd et n’a ni chaleur, ni grâce, ni agrément dans l’esprit, ni rien qui soit propre à s’allier au ramage de ces charmantes petites machines qu’on appelle jolies femmes. Oh ! que nous sommes un drôle de peuple ! »


Quoi qu’il en soit, Hume était recherché, choyé par tous, par les philosophes, par les économistes, par les gens du monde, et il écrivait à Robertson, encore tout ému de sa réception à la Cour : « Je ne me nourris que d’ambroisie, ne bois que du nec-

  1. Grimm. (Correspondance, t. V, p. 124)