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chesse des Nations[1] ». Certains de ces marchands prônaient déjà la liberté commerciale, et Smith a lui-même reconnu, au dire d’un de ses biographes, devoir beaucoup à leur prévôt Cochrane qui venait de fonder un club pour la propagation de ces idées.

Le séjour de Smith à Glasgow fut donc un excellent milieu pour ses premières études sur la science de la richesse ; puis, la nécessité d’exposer dans un cours le résultat de ses recherches vint, à point, le forcer à digérer ses observations, à en dégager les principes, et, durant les quatre années qu’il passa encore à l’Université, ses leçons gagnèrent peu à peu en netteté et en précision. « Il semble, en effet, disait-il plus tard dans la Richesse des Nations[2], que la méthode la plus efficace pour rendre un homme parfaitement maître d’une science particulière, c’est de lui imposer la nécessité d’enseigner cette science régulièrement chaque année. Étant obligé de parcourir tous les ans la même carrière, pour peu qu’il soit bon à quelque chose il devient nécessairement, en peu d’années, complètement au fait de chaque partie de sa matière ; et, s’il lui arrivait, dans une année, de se former sur quelque point en particulier une opinion trop hâtive, quand il vient, l’année suivante, à repasser sur le même objet dans le cours de ses leçons, il y a à parier qu’il réformera ses idées. Si l’emploi d’enseigner une science est certainement l’emploi naturel de celui qui est purement homme de lettres, c’est aussi peut-être le genre d’éducation le plus propre à en faire un homme vraiment profond en savoir et en connaissances. »

Pour ces motifs, on doit, peut-être se féliciter que Smith n’ait pas accepté, dès 1759, la mission d’accompagner sur le continent le jeune duc de Buccleugh, car le travail de classement et de condensation qui se fit dans son esprit durant les dernières années qu’il professa à Glasgow, le mit mieux en état de profiter de son voyage en France et de ses relations avec les Économistes.

  1. Fortnightly Review du 1er juillet 1876 : Adam Smith as a person.
  2. Liv. V, ch. I.