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dans la bonne foi comme dans la richesse des gouvernements. Les emprunts témoignent ainsi effectivement d’un véritable progrès et nous ne pouvons que nous étonner, à cet égard, qu’Adam Smith ait regretté les réserves métalliques.


Les trésors de guerre avaient, à la vérité, un avantage très précieux au moment d’une guerre, en ce qu’ils mettaient à la disposition du souverain une somme considérable, immédiatement disponible ; mais, par contre, ils donnaient aux gouvernements la tentation de se laisser aller au gaspillage ou aux aventures guerrières, et, au point de vue économique, ils n’étaient nullement défendables parce qu’ils enlevaient à la reproduction et à la circulation des capitaux énormes pour les laisser dormir dans les caisses du Trésor[1]. Aussi, nous pensons que l’État doit recourir à l’emprunt, non pas, comme le dit Adam Smith, parce qu’il néglige d’économiser, mais parce qu’en général, le législateur agit sagement en n’entravant pas, dès le temps de paix, la marche des affaires.

Le célèbre économiste est cependant, en principe, absolument hostile aux emprunts, et il ne les admet qu’exceptionnellement, dans les cas où il est impossible d’obtenir rapidement par l’impôt les ressources nécessaires. Il reconnaît qu’au début d’une

  1. Nous ne croyons pas, toutefois, pouvoir condamner d’une manière aussi absolue, les trésors modernes de l’État prussien et notamment celui que M. de Bismarck a reconstitué après la guerre de 1810. Ce trésor a été créé dans des circonstances exceptionnelles, au moyen de partie de l’indemnité payée par la France et sans aucun prélèvement direct sur le capital national ; en outre, il n’est nullement improductif, il est représenté dans la circulation par des billets au porteur, non remboursables, reçus dans toutes les caisses de l’État. — Assurément, les réserves métalliques sont encore très attaquables, dans ces conditions mêmes, au point de vue économique et même politique ; mais elles offrent, au point de vue militaire, des avantages incontestables, surtout dans un pays où le crédit public, peu développé, ne pourrait fournir, à bref délai, des ressources considérables. L’intérêt supérieur de la mobilisation est ici en jeu, et les approvisionnements d’espèces métalliques sont justifiables au même titre que les approvisionnements d’armes, de munitions, de vivres, d’équipements, qui sont conservés de tout temps dans les arsenaux et dans les magasins de l’État.