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tive qu’en proportion de son revenu. Ils sont commodes parce qu’on les acquitte par fractions infinitésimales. De plus, tandis que les autres impôts ne visent que la richesse déjà produite, ceux-ci atteignent efficacement la portion de la richesse qui est en train de se former et qui, au point de vue de la justice pure, ne doit pas non plus être indemne, puisqu’elle n’a été produite que grâce à la protection de l’État. Enfin, bien qu’à proprement parler, ils ne soient pas volontaires parce que le consommateur n’est pas le maître d’acheter ou non les denrées nécessaires à la satisfaction de ses besoins et qu’il faut qu’il vive, cependant, au lieu d’y voir, avec certains économistes, de véritables capitations, on doit reconnaître qu’ils ont tout au moins une qualité fort appréciable, en ce qu’ils permettent au consommateur de proportionner dans une certaine mesure la taxe même à ses propres revenus.

À ce dernier point de vue toutefois, Adam Smith n’était pas hostile aux taxes indirectes et il exagérait même la portée de cet avantage de l’impôt d’être presque facultatif[1]. Aussi, il les recommandait vivement comme mode de taxation des objets de luxe. Ces impôts, disait-il, ont toutes les qualités nécessaires à une bonne taxe : ils sont proportionnels, en ce qu’étant payés par les consommateurs de la chose imposée, ils atteignent ainsi, en réalité, les trois sources de revenus ; ils ne dérangent pas l’équilibre naturel de la répartition en faisant monter le prix des autres marchandises ; ils favorisent même la production en détournant l’ouvrier laborieux des consommations excessives et en le poussant à l’économie. Mais, ce que Smith n’a pas dit, c’est qu’en revanche les taxes sur les consommations de luxe ont le défaut le plus grave que puissent avoir des impôts, attendu qu’elles sont peu productives et qu’elles ne peuvent fournir au Trésor un revenu important. Or c’est la condamnation absolue de ses conclusions. Il ne faut pas, en effet, chercher un trop bon impôt, il ne pourrait être complètement inoffensif qu’à la condition de ne rien produire ; l’impôt n’est jamais bon, et il le sera toujours

  1. « L’ouvrier, dit-il, paie l’impôt petit à petit, selon qu’il est en état de le payer et quand il y a moyen de le payer. Chaque acte de paiement est parfaitement volontaire, et il est le maître de s’en dispenser si cela lui convient mieux. » Rich., liv. V, ch. II (t. II, p. 572).