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Smith, qui suivait toujours avec le plus grand soin, comme nous en trouvons la preuve dans sa Lettre aux Éditeurs de la Revue d’Édimbourg, les publications de toute sorte qui se faisaient en Europe, ne pouvait rester étranger à ce double mouvement. Depuis 1752 d’ailleurs, époque à laquelle il avait pris possession de sa chaire de philosophie morale, il avait toujours réservé dans son cours, à l’exemple d’Hutcheson, quelques leçons à l’étude de la richesse et de la jurisprudence ; mais, préoccupé par ses travaux sur les sentiments moraux, il n’avait pu jusque-là donner à cette importante matière toute l’attention qu’elle lui paraissait comporter. Il saisit donc avec empressement l’occasion qui se présentait pour imprimer à son cours une direction différente et il consacra le temps laissé libre par l’Éthique à cet ordre de recherches.

Du reste, le milieu où il se trouvait était excellent pour ce genre d’études. Quoiqu’elle n’eût pas encore pris l’importance considérable qu’elle a acquise de nos jours, la ville de Glasgow était devenue déjà, depuis l’union de l’Écosse avec l’Angleterre qui lui avait ouvert le marché des Indes occidentales, une des villes les plus commerçantes de la Grande-Bretagne. Smith pouvait donc y examiner, dans ses détails, chacune des branches du commerce, et il s’attachait sans cesse, par des observations répétées et consciencieuses, à contrôler, au moyen des faits, les doctrines qu’il tenait de Hume ou de ses nombreuses lectures, notamment de l’étude de l’Encyclopédie et des ouvrages des Économistes français. Pour mieux pénétrer au cœur de la place, il recherchait même la société des marchands et il s’efforçait, à tout propos, d’amener la conversation sur l’objet de leur commerce.

Ce n’étaient pas d’ailleurs des ignorants, ces marchands de Glasgow ; ils dissertaient volontiers sur les principes de ce qu’ils appelaient leur art ; ils aimaient, par tempérament, les discussions doctrinales, raisonnaient les règles de leur commerce, et le jeune professeur, dans les argumentations délicates qu’il eut à soutenir avec eux, apprit, dit M. W. Bagehott, « non-seulement une foule de choses qu’il eût vainement cherchées dans les livres, mais encore peut-être cet art puissant, et, pour ainsi dire pratique, de les expliquer, qui caractérise la Ri-