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près correspondante, à moins qu’il ne se produise une augmentation simultanée de la richesse publique, augmentation improbable d’ailleurs à un moment où se fait sentir la nécessité de nouveaux impôts. La diminution de la demande ramènera donc les salaires à un taux voisin de celui qui existait lors de l’établissement de la taxe, et l’ouvrier sera forcé de supporter ainsi une part au moins de l’impôt jusqu’à ce que des perfectionnements nouveaux, en réduisant le prix des produits, ramènent la demande à son chiffre primitif, ou bien jusqu’à ce que la misère, en diminuant le nombre des travailleurs, rétablisse l’équilibre entre l’offre et la demande et rejette enfin indirectement le reste de la taxe sur le consommateur. Ces conséquences sont fatales et il n’en serait autrement que dans le cas où la nature des dépenses effectuées par l’État au moyen de l’impôt aurait pour effet de maintenir ou d’augmenter en fait la demande de travail.


Enfin Smith examine les impôts qui, dans l’intention du législateur, doivent porter indistinctement sur toutes les différentes espèces de revenus, rente, profits, salaires. Ce sont les impôts de capitation et les taxes de consommation. Il n’envisage que deux modes d’assiette des capitations : l’état présumé de la fortune de chaque contribuable ou le rang des individus. Dans les deux cas, il trouve l’impôt mauvais : dans le premier, en effet, la taxe devient nécessairement arbitraire et incertaine, d’abord parce que l’état de fortune d’un particulier peut varier d’un jour à l’autre, et ensuite parce qu’à moins d’inquisitions insupportables et très fréquentes, on ne peut l’apprécier que par conjectures ; dans le second, la taxe est forcément inégale parce que les revenus sont fort différents à égalité de rang. « Ainsi un pareil impôt, dit-il[1], quand on veut essayer de le rendre égal, devient totalement incertain et arbitraire, et quand on veut essayer de le rendre certain et hors de l’arbitraire, il devient tout à fait inégal. »

Le célèbre économiste n’a pas examiné l’hypothèse d’une capitation fixe pour tous les individus, et cependant, malgré son inégalité flagrante, une taxe de cette nature ne doit pas être con-

  1. Rich., liv. V, ch. II (t. II, p. 560).