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se décharger d’une de ces manières, il serait obligé de s’en décharger de l’autre. »

Cette observation n’est pas exacte et elle perd toute portée si l’on impose l’ensemble des profits dans les différents emplois des capitaux. En effet, Adam Smith ne démontre nullement pourquoi les profits devraient rester indemnes, il s’appuie uniquement sur ce fait qu’ils ne sont en réalité qu’une compensation très modérée des risques et de la peine d’employer le capital. Mais, alors même que, comme le prétend l’auteur, ils ne constitueraient qu’une faible compensation de la peine prise, nous n’en estimons pas moins que la rémunération de cette peine est généralement suffisante pour donner lieu à l’impôt, sans que l’industriel rejette sur le capitaliste tout ou partie de la taxe, et nous croyons que l’offre et la demande des capitaux ne seront guère affectées par l’établissement d’une taxe de cette nature si elle n’est pas trop forte. L’industriel rejettera-t-il plus facilement la taxe sur le consommateur en la portant sur sa facture, comme le disait Franklin ? Cette hypothèse, plus admissible à première vue, n’est au fond pas plus vraie. Assurément, si l’impôt existait au même taux dans tous les pays ou que notre territoire fût fermé aux produits étrangers, le commerçant arriverait peut-être à le rejeter sur les acheteurs, à condition toutefois que la richesse nationale permit de le faire sans provoquer un resserrement de la consommation ; mais le marché est plus ou moins ouvert aux marchandises étrangères et la concurrence vient forcer l’industrie à accepter au moins une partie de cette charge. Quant à l’industrie d’exportation, elle supporte en totalité les droits de patente et il n’y a, en somme, que le petit commerce de détail qui puisse arriver parfois à hausser ses prix du montant de l’impôt.

En ce qui concerne au contraire la portion du profit qui paie l’intérêt et qui appartient au propriétaire du capital, Smith déclare qu’en principe c’est une excellente matière imposable parce que la taxe retombe immédiatement et définitivement sur le capitaliste ; mais il ajoute qu’en fait il est difficile de l’atteindre parce qu’il n’est pas possible d’évaluer avec quelque précision et sans vexations la fortune mobilière des individus, et aussi parce que l’impôt doit se garder de mettre en fuite le capital qu’il pré-