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poids, afin de faire contribuer le riche au soulagement du pauvre[1], et, dans un autre passage, il énonce la même idée en termes plus formels encore, si c’est possible, en déclarant « qu’il n’est pas très déraisonnable que les riches contribuent aux dépenses de l’État, non seulement à proportion de leur revenu, mais encore de quelque chose au delà de cette proportion[2]. »,

Aussi chacun des deux systèmes en présence croit pouvoir revendiquer l’appoint de l’autorité du grand philosophe. Quant à nous, bien que nous nous sentions ici en désaccord avec l’opinion dominante des critiques, nous estimons que la doctrine de Smith est contenue dans les termes mêmes de sa maxime de l’égalité et que le fondateur de la science économique trouve que le véritable moyen d’arriver à l’égalité est de rechercher la proportionnalité de l’ensemble des impôts. S’il manifeste dans cette étude une certaine tendance à la progression, c’est que, trouvant de son temps la balance trop penchée en général du côté des classes pauvres, il a tenté de diminuer cet écart en frappant plus lourdement certains revenus du riche ; mais nous ne croyons pas qu’il ait eu ainsi d’autre but que de rétablir précisément dans l’ensemble du système fiscal la proportionnalité commandée par la justice. Il était loin de prévoir alors qu’il se produirait un jour un déplacement si considérable dans les conseils des gouvernements qu’on tendrait plutôt à dépasser cette proportionnalité et à assujettir les revenus à l’impôt progressif. Quoi qu’on en ait dit, il n’a pas entendu accepter l’erreur de Montesquieu qui voulait que l’impôt frappât l’utile moins lourdement que le superflu et qu’il épargnât même complètement la partie des revenus destinée à la satisfaction des besoins indispensables du

  1. « Quand cette même taxe sur les voitures de luxe, les carrosses, chaises de poste, etc., se trouve être de quelque chose plus forte, à proportion de leur poids, qu’elle ne l’est sur les voitures d’un usage nécessaire, telles que les voitures de roulier, les chariots, etc., alors l’indolence et la vanité du riche se trouvent contribuer d’une manière fort simple au soulagement du pauvre, en rendant meilleur marché le transport des marchandises pesantes dans tous les différents endroits du pays. » (Rich., liv. V, ch. I, t. II, p. 377.)
  2. Rich., liv. V, ch. II (t. II, p. 524).