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cier les plaintes intéressées des mécontents et des factieux ; il en est plus capable de voir clair au travers de leurs déclamations ; par cette raison, il est moins susceptible de se laisser entraîner dans quelque opposition indiscrète ou inutile contre les mesures du gouvernement. Dans des pays libres, où la tranquillité des gouvernants dépend extrêmement de l’opinion favorable que le peuple se forme de leur conduite, il est certainement de la dernière importance que le peuple ne soit pas disposé à en juger d’une manière capricieuse ou inconsidérée[1]. »


C’est également comme une conséquence de la Mission essentielle du gouvernement d’assurer la sécurité, que Smith envisage la question délicate de l’enseignement religieux, car la religion prévient souvent mieux que les institutions positives les infractions à la loi morale. Aussi, non seulement il estime que l’État doit s’assurer le concours de ce puissant moyen de moralisation, il veut même qu’il pourvoie directement à cette éducation en salariant les cultes. Il préfère de beaucoup ce mode de rémunération, soit aux contributions volontaires payées par les fidèles, soit aux dotations ou aux revenus, et il considère que ces traitements ont en outre l’avantage fort appréciable d’attacher le clergé au gouvernement et de l’empêcher de tourner son influence contre le régime établi.


C’est de cette façon que ce profond politique comprend la mission gouvernementale. Pour lui, le rôle de l’État doit en somme se borner à la protection de la liberté humaine, protection des personnes et des biens contre les attaques injustes des nations ou des individus, protection de l’industrie et du commerce contre les obstacles résultant de la distance, protection du citoyen contre les préjugés et l’erreur. Son seul but, en un mot, doit être de favoriser le développement régulier et libre de la force productive qui constitue l’homme. C’est à la seule satisfaction de ce besoin que doit veiller l’État, et les enseignements de l’économie politique sont d’accord en cela avec les principes de la morale. Si Dieu nous a donné des besoins, il nous a donné

  1. Rich., liv. V, ch. I (t. II, p. 449).