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a toujours été, comme nous l’avons rappelé à propos du système mercantile, de tenir le marché aussi dégarni que possible afin d’élever leurs profits à un taux extravagant.

Néanmoins, l’auteur ne condamne pas absolument ces Compagnies, et l’économiste cède ici le pas à l’homme d’État. En raison de l’importance du devoir de protection qui incombe au gouvernement à l’égard de ses nationaux et des obstacles d’ordre politique, et financier qui s’opposent souvent à une action directe de sa part, il admet que l’État puisse exceptionnellement faire appel au concours de l’association, et, pour prix de ce concours, accorder momentanément à des Compagnies des privilèges commerciaux de nature à les indemniser de leurs dépenses et à les rémunérer de leurs risques. C’est là un de ces compromis qui abondent dans l’œuvre de Smith, compromis qu’on peut avoir parfois à blâmer au point de vue purement économique, mais qui éclairent sous son vrai jour le caractère si politique du célèbre philosophe et qui sont une des causes les plus puissantes de son influence sur ses contemporains et sur la postérité[1].

En ce qui concerne les établissements d’instruction publique, Smith abandonne complètement à l’initiative privée l’instruction secondaire et supérieure. Non seulement il n’admet pas que les professeurs aient un traitement fixe payé sur le produit général de l’impôt, mais il estime que les dotations particulières des collèges et des écoles sont un obstacle aux progrès de l’enseignement. Il n’est pas bon, selon lui, que le professeur se repose avec sécurité sur son traitement, il faut qu’il ait un intérêt pécuniaire à remplir exactement ses fonctions, sans

  1. « Quand une société de marchands entreprend, à ses propres dépens et à ses risques, d’établir quelque nouvelle branche de commerce avec des peuples lointains et non civilisés, il peut être assez raisonnable de l’incorporer comme compagnie par actions, et de lui accorder, en cas de réussite, le monopole de ce commerce pour un certain nombre d’années. C’est la manière la plus naturelle et la plus facile dont l’État puisse la récompenser d’avoir tenté les premiers hasards d’une entreprise chère et périlleuse dont le public doit ensuite recueillir le profit. Un monopole temporaire de ce genre peut être justifié par les mêmes principes qui font qu’on accorde un semblable monopole à l’inventeur d’une machine nouvelle, et celui d’un livre nouveau à son auteur. > (Rich., liv. V, ch. I, t. II, p. 414).