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terre non améliorée, et ce qu’on pourrait supposer être intérêt ou profit des dépenses d’amélioration, n’est, en général, qu’une addition à cette rente primitive ; d’ailleurs, ces améliorations ne sont pas toujours faites avec les fonds du propriétaire, mais quelquefois avec ceux du fermier ; cependant, quand il s’agit de renouveler le bail, le propriétaire exige ordinairement la même augmentation de fermage que si toutes ces améliorations eussent été faites de ses propres fonds. » Adam Smith s’est même efforcé de citer, à l’appui de sa théorie, des cas où la rente de la terre existerait indépendamment de toute espèce d’incorporation, et, il a été chercher jusque dans la cueillette d’une plante marine peu connue, la salicorne, un exemple de ce genre. La salicorne, dit-il, est une espèce de plante marine qui donne, quand elle est brûlée, un sel alcalin dont on se sert pour faire du verre, du savon, et pour plusieurs autres usages ; elle croît seulement sur des rochers situés au-dessous de la haute marée, qui sont deux fois par jour couverts par les eaux de la mer et dont le produit n’a jamais pu, en conséquence, être augmenté par l’industrie des hommes ; cependant, le propriétaire d’un domaine bordé par un rivage où croît cette espèce de salicorne en exige une rente tout aussi bien que de ses terres à blé.

Assurément il y a dans la rente un élément qui représente la part de la fertilité naturelle de la terre, et, si on envisage deux domaines appartenant au même propriétaire, ayant été l’objet des mêmes améliorations, d’incorporations équivalentes de capitaux, on trouvera toujours entre eux quelque différence dans le produit, par suite de la différente fertilité naturelle des terres. Mais cette part est généralement minime ; aussi ne doit-on pas conclure, avec Smith, des exemples tirés de la cueillette des produits naturels, que la rente, considérée comme le prix payé pour l’usage de la terre, soit un prix de monopole et qu’elle ne soit nullement en proportion des améliorations que le propriétaire peut avoir faites.

En effet, si la rente a sa première origine dans la fertilité naturelle de la terre, si elle peut se concevoir à la rigueur sans le travail, il n’en est pas moins vrai que, dès que la terre est fécondée par le travail humain, ce caractère de don gratuit disparaît presque entièrement et la majeure partie de la rente trouve