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de l’industrie, en ouvrant de nouveaux emplois productifs aux capitaux, ont provoqué des demandes et relevé souvent d’une manière durable le taux moyen de l’intérêt.

En ce qui concerne la baisse persistante de l’intérêt en Europe, Adam Smith s’est, attaché particulièrement à réfuter les préjugés en honneur sur cette matière, d’autant plus que Locke, Law et Montesquieu lui-même n’avaient voulu voir dans ce phénomène qu’une conséquence de l’accroissement de l’or et de l’argent produit par la découverte de l’Amérique. Après son ami Hume, qui avait déjà combattu cette erreur dans un de ses petits traités, l’auteur des Recherches s’élève vivement contre cette doctrine et il en montre fort bien le vice. Dès qu’on y réfléchit, en effet, on s’aperçoit bien vite que, quelque action qu’ait la dépréciation de la monnaie sur le prix des marchandises, elle ne peut avoir aucune influence sur le taux de l’intérêt. Le capital et l’intérêt étant représentés tous deux par de l’argent, chacun d’eux a été affecté de la même façon par la baisse du pouvoir de l’argent, et la proportion entre le montant du capital et celui de l’intérêt est restée la même ; les deux termes du rapport étant multipliés par un même nombre, le rapport ne change pas. Il est vrai de dire cependant qu’au moment même de l’importation d’une grande quantité d’or, il se produit temporairement une baisse de l’intérêt, car toute marchandise qui arrive soudainement en grande quantité sur un marché où la demande n’est pas préparée à la recevoir, produit nécessairement une dépréciation des cours ; mais cette dépréciation n’est que momentanée. Ce qui règle d’une manière durable le taux de l’intérêt, c’est, comme Smith l’a démontré, l’offre des capitaux de toute espèce, et c’est l’accroissement incessant de l’ensemble de ces capitaux qui a déterminé cette baisse graduelle que l’on cherche à expliquer, et qui, provoquée par la civilisation, a donné à la civilisation même une nouvelle impulsion.


Toutefois, bien qu’Adam Smith vante, en principe, les heureux effets de la baisse de l’intérêt, il ne veut pas que cette baisse soit trop rapide. Pour lui, elle n’est un bien qu’autant qu’elle est lente et modérée, et il considère qu’une baisse excessive, au lieu de favoriser la production et l’accroissement du