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étant si variable que la personne même qui dirige un commerce particulier ne peut pas toujours indiquer le taux moyen de son profit annuel. Il est affecté, non seulement par chaque variation qui survient dans le prix des marchandises, mais encore par la bonne ou la mauvaise fortune du commerçant et de la clientèle même, enfin par mille accidents divers auxquels les marchandises sont exposées, soit dans leur transport par terre ou par mer, soit en restant en magasin ; en un mot, il n’est pas possible de généraliser les résultats de l’aléa, et toutes les données statistiques que l’on pourrait obtenir directement ne permettraient pas de suivre la marche des profits et leur taux le plus habituel aux différentes époques, sans le secours d’un terme de comparaison de nature à servir de point de repère. Ce terme de comparaison, Smith crut l’avoir trouvé dans le taux de l’intérêt, et il fut en cela bien inspiré, non pas que, comme il paraît le penser[1], le taux de l’intérêt soit gouverné par le taux des profits, mais parce qu’à l’inverse, le taux des profits est largement influencé par la hausse et la baisse de l’intérêt qui, en rendant l’argent plus ou moins cher, diminue ou augmente la concurrence dans les entreprises. Ici, comme dans tout le cours de cet admirable ouvrage, la puissance d’observation et la perspicacité du célèbre philosophe ne se démentent jamais. Si, dans les différentes parties de cette vaste science qu’il a fondée, il n’a pas toujours démêlé du premier coup les véritables causes, il n’en a pas moins constaté fort exactement les phénomènes, et son coup d’œil pénétrant l’a rarement trompé sur la nature des faits eux-mêmes.

En comparant le taux du profit et celui de l’intérêt, il avait aussi remarqué qu’en moyenne ces deux taux sont à peu près

  1. « On peut établir pour maxime, dit Smith, que partout où on pourra faire beaucoup de profits au moyen de l’argent, on donnera communément beaucoup pour avoir la faculté de s’en servir et qu’on donnera en général moins quand il n’y aura que peu de profits à faire par son emploi. Ainsi, suivant que le taux ordinaire de l’intérêt varie dans un pays, nous pouvons compter que les profits ordinaires des capitaux varient en même temps, qu’ils baissent quand il baisse, et qu’ils montent quand il monte. Les progrès de l’intérêt peuvent donc nous donner une idée du profit du capital. » (Rich., liv. I, ch. IX. (t. I, p. 121.)