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qui elle est échue, et il est nécessaire de distinguer la part de l’intérêt de celle du profit proprement dit, non seulement lorsque le capitaliste et l’entrepreneur sont distincts, mais lors même que les deux qualités sont confondues dans le même individu. Pour nous, il y a lieu de séparer dans le gain de l’entrepreneur l’intérêt de ses capitaux, le salaire de son travail et de son habileté, enfin un profit qui est à la fois une compensation du risque qu’il a couru dans son entreprise, de la sagacité de son administration et la part de la chance : le profit se distingue ainsi à la fois du salaire et de l’intérêt en ce qu’il ne participe de la certitude d’aucun d’eux, en ce qu’il est essentiellement aléatoire.

Malgré cette confusion regrettable, ce chapitre ne manque pas d’une certaine ampleur et il contient plusieurs observations fort exactes à l’égard des profits pris dans leur ensemble. C’est ainsi qu’Adam Smith constate que les profits du capital dépendent, comme les salaires, de l’accroissement de la richesse nationale, mais en sens inverse, et que, tandis que l’accroissement des capitaux fait hausser les salaires, il tend à abaisser le taux de l’intérêt et du profit. Les fluctuations des profits tendent en effet à suivre les fluctuations de l’intérêt parce que les unes, et les autres sont réglées également par la marche du progrès. Avec la civilisation, l’instruction professionnelle se multiplie, les préventions qui entouraient les professions mercantiles disparaissent et la concurrence devient plus active dans tous les genres de commerce et d’industrie ; en même temps l’aléa diminue grâce à l’accroissement de la sécurité des transactions, à la multiplication des communications et à la rapidité des informations : les profits se nivellent ainsi, mais par là même ils se réduisent. Enfin les capitaux d’emprunt deviennent moins chers, et, bien que la baisse de l’intérêt paraisse profiter immédiatement aux industriels et aux commerçants, elle suscite aussi à la longue une concurrence plus active qui amène la baisse des profits.

Aussi Adam Smith s’est réglé sur les variations du taux de l’intérêt pour suivre les fluctuations des profits en général. Il avait reconnu qu’il n’est pas possible de fixer pour eux un taux moyen, comme il l’avait fait pour les salaires, le profit