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mentale qu’il avait acclamée avec enthousiasme, c’était, pour un jeune homme de 29 ans, un honneur insigne, mais aussi un lourd fardeau. L’Université, qui avait déjà pu apprécier son ancien élève, avait eu foi dans son talent, dans son caractère, dans la puissance de son travail. Il justifia pleinement cette confiance, et, bientôt, le succès de ses cours dépassa même celui qu’avaient obtenu les leçons du fondateur de l’école écossaise.

Il reprit, en le modifiant légèrement, le plan d’Hutcheson. Ce dernier, nous l’avons dit, n’avait pas seulement professé la philosophie morale ; il s’était occupé longuement de la religion, du droit naturel et politique dont l’étude lui avait semblé indispensable pour prémunir les jeunes gens contre les dangereuses doctrines de Hobbes ; il avait enfin réservé quelques leçons à l’examen des phénomènes de la richesse et à la réfutation des erreurs funestes sur la fausseté desquelles des esprits éminents, tels que Pelty et Locke lui-même, s’étaient vainement efforcés jusque-là d’attirer l’attention publique. De même, Adam Smith divisa son cours en quatre parties : la première fut consacrée à la Théologie naturelle, la seconde à l’Éthique proprement dite, la troisième à la Jurisprudence, la quatrième à l’Économie politique.

Les doctrines morales et économiques qu’il développa, durant ce professorat, nous sont connues par la Théorie des sentiments moraux et les Recherches sur la Richesse des Nations, que nous étudierons plus loin d’une manière assez complète ; mais nous manquons de données aussi certaines en ce qui concerne les deux autres parties de son cours. Il prépara cependant, dès 1759, un grand ouvrage sur le Droit civil et politique et il y consacra, à cette époque, une grande partie des loisirs que lui laissaient ses fonctions ; il y travailla aussi plus tard, dans les dernières années de sa vie, mais, n’ayant pu le terminer, il a préféré l’anéantir. Nous sommes donc encore obligé de nous reporter aux souvenirs trop rétrospectifs de M. Millar sur cette troisième partie du cours de son maître.

D’après ce jurisconsulte, Smith aurait suivi, en cette matière, un plan qui semblait lui avoir été suggéré par Montesquieu, s’appliquant à tracer les progrès de la jurisprudence, tant publique que privée, depuis les siècles les plus grossiers jusqu’aux siècles