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avec la même quantité de marchandise, on achète une moins grande quantité de produits que si on s’était adressé à l’étranger. — On ne saurait signaler avec plus de force l’inefficacité des droits protecteurs, ni faire ressortir avec plus de netteté les avantages de la liberté commerciale, qui n’est, en réalité, qu’une forme supérieure de la division du travail, et qui, comme elle, contribue puissamment à l’accroissement de la richesse générale.

Smith repousse de même l’argument de ceux qui voient dans le système mercantile un moyen d’acclimater sur le territoire national certaines industries qui n’auraient pu se développer sous le régime de la liberté. Il ne nie pas le fait, mais il conteste absolument la valeur de l’argument. « À la vérité, dit-il, il peut se faire qu’à l’aide de ces sortes de règlements un pays acquière un genre particulier de manufactures plus tôt qu’il ne l’aurait acquis sans cela, et qu’au bout d’un certain temps ce genre de manufacture se fasse dans le pays à aussi bon marché ou à meilleur marché que chez l’étranger. Mais quoiqu’il puisse ainsi arriver que l’on porte avec succès l’industrie nationale dans un canal particulier plus tôt qu’elle ne s’y serait portée d’elle-même, il ne s’ensuit nullement que la somme totale de l’industrie ou des revenus de la société puisse jamais recevoir aucune augmentation de ces sortes de règlements. L’industrie de la société ne peut augmenter qu’autant que son capital augmente, et ce capital ne peut augmenter qu’à proportion de ce qui peut être épargné peu à peu sur les revenus de la société. Or, l’effet qu’opèrent immédiatement les règlements de cette espèce, c’est de diminuer le revenu de la société, et, à coup sûr, ce qui diminue son revenu n’augmentera pas son capital plus vite qu’il ne se serait augmenté de lui-même, si on eût laissé le capital et l’industrie chercher l’un et l’autre leurs emplois naturels. »


Toutefois, après avoir posé le principe de la liberté commerciale, Smith se laisse aller à quelques concessions au système restrictif ; de crainte d’être jugé trop absolu, il rouvre la porte aux privilèges, et il admet deux cas dans lesquels il peut être avantageux, selon lui, d’établir quelque charge sur l’industrie étrangère pour encourager l’industrie nationale.

C’est, en premier lieu, le cas des industries nécessaires à la dé-