Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il n’est aucune branche de la littérature plus assortie à l’âge des jeunes gens qui commencent la philosophie, que ces études qui s’adressent au goût et à la sensibilité. Il est fort à regretter que le manuscrit des leçons de Smith sur ce sujet ait été détruit avant sa mort. La composition de la première partie était finie avec soin et tout l’ouvrage était empreint de traits fortement prononcés, d’un goût pur et d’un génie original. La permission accordée aux étudiants de prendre des notes a fait connaître plusieurs observations contenues dans ce cours ; les unes ont été développées dans des dissertations séparées, les autres insérées dans des collections générales et livrées au public sous différentes formes. Mais il est arrivé, comme on avait lieu de s’y attendre, qu’elles ont perdu leur air d’originalité et le caractère distinctif que leur auteur avait su leur imprimer, en sorte qu’on ne les voit, la plupart du temps, qu’à travers l’obscurité dont les recouvre une abondance de lieux communs dans lesquels elles sont perdues, et, pour ainsi dire, submergées.

Ces renseignements, fournis par M. Millar quarante ans après ce cours de logique, sont nécessairement bien vagues. Nous eussions aimé, notamment, à connaître l’opinion de Smith sur la nature même de la logique. Voyait-il dans la logique une science ou un art ? La considérait-il comme une science qui doit se borner à étudier les lois du raisonnement, ou bien comme un art, qui, savamment dirigé, peut mener l’homme à la vérité ? — D’après l’ensemble des opuscules qui nous restent, le Traité de la formation des langues, l’Histoire de l’Astronomie et celle de la Physique ancienne, il serait peut-être permis de croire qu’Adam Smith partageait la première opinion, mais nous devons avouer que nous ne possédons aucune donnée certaine pour appuyer cette présomption.


D’ailleurs, Smith ne conserva pas longtemps sa chaire de logique, et, moins d’une année après son élection, il était appelé à celle de philosophie morale, en remplacement de son collègue Thomas Craidgie. Il était arrivé au comble de ses vœux. Professer dans cette chaire même qu’avait illustrée Hutcheson, continuer la tradition philosophique de son maître, cette méthode expéri-