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pour répondre aux demandes qui peuvent survenir. Par conséquent, au moyen de cette opération, 20.000 livres en or et argent font absolument la fonction de 100.000. Les mêmes échanges peuvent se faire, la même quantité de choses consommables peut être mise en circulation et être distribuée aux consommateurs auxquels elle doit parvenir, par le moyen des billets de ce banquier, montant à 100.000 livres, tout comme cela se serait fait avec la même valeur en monnaie d’or et d’argent. On peut donc, de cette manière, faire une économie de 80.000 livres sur la circulation du pays, et si, en même temps, différentes opérations du même genre venaient à s’établir par plusieurs banques et banquiers différents, la totalité de la circulation pourrait ainsi être servie avec la cinquième partie seulement de l’or et de l’argent qu’elle aurait exigés sans cela. »

Adam Smith expose ainsi d’une façon fort exacte le rôle du papier-monnaie et l’heureuse influence de cette substitution partielle du papier au numéraire. Pour l’avenir, il dispense d’affecter à la production de l’or et de l’argent des quantités de travail et de capital de plus en plus considérables au fur et à mesure de l’accroissement des échanges ; pour le présent, les avantages s’en font sentir avec plus de force encore, car le billet de banque, en chassant au dehors une grande partie des métaux précieux, provoque par là même une importation correspondante de marchandises étrangères qui viennent s’employer soit à la reproduction, soit à accroître nos jouissances.

Comme le montre fort bien l’éminent philosophe, la valeur de la grande roue de circulation et de distribution est ajoutée elle-même à la masse des marchandises qui circulaient et se distribuaient par son moyen, et il compare avec justesse cette opération à celle de l’entrepreneur d’une grande fabrique, qui, par suite de quelque heureuse découverte en mécanique, réforme les anciennes machines et profite de la différence qui existe entre leur prix et celui des nouvelles pour l’ajouter à son capital circulant, à la masse où il puise de quoi fournir à ses ouvriers des matériaux et des salaires. « Cette portion du capital, dit-il[1], qu’un marchand est obligé de garder par devers lui, en espèces

  1. Rich., liv. II, ch. II (t. I, p. 391 et suiv.).