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même se préoccuper des perturbations apportées dans la richesse publique par une aussi inique mesure qui permettait aux débiteurs d’acquitter leurs dettes en monnaie amoindrie. Néanmoins ces abus funestes et trop fréquents dans l’histoire des nations, ne l’ont nullement empêché de reconnaître la légitimité et la nécessité même de l’intervention de l’État dans la frappe des monnaies, et il aurait vivement combattu ceux qui, de nos, jours, ont voulu livrer cette fabrication sans contrôle au libre jeu de la concurrence, sous le prétexte d’obtenir des monnaies mieux faites ou à meilleur marché : pour que la monnaie soit un instrument commode, il ne faut pas que sa valeur puisse être mise en doute et qu’à chaque transaction il faille avoir la balance et la pierre de touche à la main.

Smith a reconnu encore un autre rôle à l’État en ce qui concerne la monnaie : c’est de choisir celui des deux métaux précieux qui doit servir d’étalon dans les échanges, puis de déterminer le rapport légal qui doit lier ce métal à l’autre. « Je pense, dit-il[1], que, dans tous les pays, les offres légales de payement ne purent être faites, à l’origine, que dans la monnaie seulement du métal adopté particulièrement pour signe ou mesure des valeurs. En Angleterre, l’or ne fut pas regardé comme monnaie légale, même longtemps après qu’on y eut frappé des monnaies d’or. Aucune loi ou proclamation publique n’y fixait la proportion entre l’or et l’argent ; on laissait au marché à la déterminer. Si un débiteur faisait ses offres en or, le créancier avait le droit de les refuser tout à fait, ou bien de les accepter d’après une évaluation de l’or faite à l’amiable entre lui et son débiteur… Dans cet état de choses, la distinction entre le métal qui était réputé signe légal des valeurs et celui qui n’était pas réputé tel, était quelque chose de plus qu’une distinction nominale. — Dans la suite des temps, et lorsque le peuple se fût familiarisé par degrés avec l’usage des monnaies de différents métaux et que, par conséquent, il connût mieux le rapport existant entre leur valeur respective, la plupart des nations, je pense, ont jugé convenable de fixer authentiquement le rapport de cette valeur et de déclarer, par un acte public de

  1. Rich., liv. I, ch. V (t. I, p. 51).