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de ce prix naturel, les producteurs, vendant à perte, retireront de ce genre d’emploi soit une partie de leurs terres, soit une partie de leur capital ou de leur travail ; si, au contraire, il reste au dessus, si ce genre d’emploi présente des avantages, les capitaux afflueront bien vite, et, dans les deux cas, l’équilibre sera rétabli. Dans la réalité, il est vrai, cette réaction ne se produira pas immédiatement, car bien des causes s’opposent à un rapide déplacement des capitaux et du travail, et surtout à un brusque changement dans la destination des terres ; mais, lorsque l’écart persiste, cet effet n’en est pas moins fatal et Smith a eu le mérite de le démontrer clairement.


Nous venons de préjuger la question de la monnaie dans cette étude des prix : il est temps maintenant de faire connaître la doctrine des Recherches sur cet important sujet.

Smith a esquissé d’une façon fort intéressante les origines de la monnaie. Dès que la division du travail, qui apparaît au début de toute civilisation, eût changé les conditions de la production, chaque individu ne produisit plus qu’une très-petite partie des objets nécessaires à ses besoins et il n’obtint le reste que par échange du surplus de ses produits contre le surplus des produits des autres. Le troc en nature ne pouvait donc subsister : il eût donné lieu, dans la pratique, à des difficultés de tous les instants, à des impossibilités même, en forçant chaque producteur à rechercher un autre producteur qui pût lui fournir la denrée nécessaire à sa consommation et qui eût précisément besoin au même moment de la denrée qu’il avait à offrir en paiement. Tout homme prévoyant dut donc naturellement chercher à être pourvu, dans tous les temps, en outre du produit de sa propre industrie, d’une certaine quantité de marchandise qui fût de nature à convenir à beaucoup de monde et au moyen de laquelle il fût assuré de se procurer les choses qui deviendraient nécessaires. Cette marchandise fut, suivant les pays, le bétail, le sel, la morue sèche, le tabac, le sucre ; mais ce furent l’or et l’argent qu’on choisît généralement pour cet usage, parce qu’ils sont très homogènes, identiques à eux-mêmes, à peu près inaltérables, facilement divisibles et peu susceptibles de déchet, qu’ils sont très portatifs, qu’ils ont une grande valeur