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Mais, bien qu’en théorie, il trouve là une production de beaucoup inférieure à celle de l’agriculture, il constate cependant qu’en fait, les profits de la culture n’ont en réalité aucune supériorité sur ceux des autres emplois des capitaux. Aussi il entreprend de rechercher, à travers les siècles, par quelle suite de circonstances cet ordre naturel s’est interverti, et il consacre à cette étude de longues et intéressantes pages qui auraient fait le meilleur effet dans son Histoire de la Civilisation : c’est l’objet du troisième livre tout entier.


Il expose d’abord les phénomènes qui auraient dû se produire sous un régime d’entière liberté. La subsistance étant, dit-il[1], dans la nature des choses, un besoin antérieur à ceux de commodité et de luxe, l’industrie qui fournit au premier de ces besoins doit nécessairement précéder celle qui s’occupe de satisfaire les autres. Par conséquent, la culture et l’amélioration de la campagne qui fournit la subsistance, doivent nécessairement être antérieures aux progrès de la ville qui ne fournit que les choses de luxe et de commodité. En outre, c’est seulement le surplus du produit de la campagne, c’est-à-dire l’excédent de la subsistance des travailleurs, qui constitue la subsistance de la ville, et celle-ci ne doit, en conséquence, se peupler qu’autant que ce surplus de produit vient à grossir. Enfin, cet ordre de choses est fortifié encore par le penchant naturel des hommes, qui, à égalité de profits, préfèrent employer leurs capitaux à la culture des terres, et si ce penchant n’avait jamais été contrarié par les institutions positives, nulle part les villes ne se seraient accrues au delà de la population que pouvait soutenir l’état de culture et d’amélioration du territoire dans lequel elles étaient situées, au moins jusqu’à ce que la totalité de ce territoire eût été pleinement cultivée et améliorée. — Or, il n’en a pas été ainsi, et Smith trouve dans l’histoire les causes de cette anomalie. Il examine en effet comment l’agriculture fut découragée, puis sous quelles influences les villes se développèrent, et il montre enfin comment ce fut la prospérité même de l’industrie manufacturière qui réagit sur l’industrie agricole, alors que, par

  1. Rich., liv. III, ch. I (t. I, p. 470).