Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Heureusement, il y avait alors à Édimbourg une aristocratie intelligente qui cultivait les lettres et les protégeait. À sa tête se trouvait lord Kames, personnage d’un esprit étendu et actif, qui aimait à se délasser des fatigues du barreau, soit en étudiant la philosophie, la littérature et les sciences, soit même en se livrant à l’agriculture ; c’est lui qui introduisit en Écosse les améliorations de la culture anglaise et qui devait donner plus tard, dans son Gentilhomme fermier[1], sur un grand nombre de questions agricoles, des conseils encore écoutés de nos jours.

Lord Kames eut l’occasion de rencontrer Adam Smith, et, frappé des connaissances étendues de ce jeune homme de 25 ans sur les divers sujets que lui-même affectionnait, il lui persuada de s’établir à Édimbourg et d’y faire des cours publics qu’il s’engagea à patronner. Ces conférences, que les Anglais appellent des « lectures », roulèrent sur les belles-lettres et sur la rhétorique : elles eurent un plein succès. Les auditeurs, d’abord peu nombreux, que le nom et l’influence de lord Kames avaient attirés, furent séduits par l’esprit nouveau qui animait ce cours, comme par la clarté de l’exposition des idées, et leur enthousiasme acquit rapidement à Smith une grande réputation locale. De nombreux étudiants, principalement en droit et en théologie, désertèrent les cours de l’Université pour assister à ses lectures. Il compta parmi ses élèves des hommes qui devaient occuper plus tard de hautes situations dans l’Église, la politique, la magistrature, les lettres, et, parmi eux, Guillaume Johnstone, connu depuis sous le nom de William Pulteney[2] ; – Wedderburn, qui fut baron de Loughborough, comte de Rosslyn et grand chancelier d’Angleterre ; – enfin Hugh Blair, qui, devenu premier ministre de la

  1. Le Gentilhomme fermier ou Essai pour perfectionner l’agriculture en la soumettant à l’épreuve des principes rationnels (1776).
  2. C’est Pulteney qui, en 1797, dans un de ses discours sur les finances en appela, dans le Parlement, à « l’autorité du Dr Smith qui persuaderait la génération présente et gouvernerait la prochaine » (the authority of Dr Smith would persuade the present generation and govern the next). (Parliamentary History, t. XXIII, p. 778.)