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des lettres que le jeune étudiant adressait alors à sa mère, mais cette correspondance, qui témoigne de sa profonde affection filiale, ne nous fournit, par contre, aucun renseignement sur la nature de ses études, et elle n’a trait le plus souvent qu’à des détails domestiques de linge ou de vêtement.

Cependant ces lettres faisaient parfois aussi quelque allusion à la santé du jeune étudiant. Elles nous apprennent ainsi qu’il était très-délicat, toujours souffrant, et même qu’au mois d’août 1743, il fut pris d’une sorte de maladie de langueur qui le cloua durant trois mois dans son fauteuil : c’est, assure-t-on, à partir de ce moment que les absences remarquées chez lui devinrent plus fréquentes.

Néanmoins, malgré ces indispositions continuelles, malgré toutes ces entraves physiques que la nature lui opposait, Smith travaillait avec ardeur et il menait de front les études les plus variées. On rapporte qu’il s’adonnait, d’une manière toute spéciale, aux mathématiques et aux sciences physiques, alors peu goûtées de ses camarades, et qu’il fit rapidement des progrès considérables. Il cultivait en même temps la littérature, et, grâce à sa mémoire précieuse, il étonna ses amis, jusque dans les dernières années de sa vie, en leur citant textuellement des passages entiers de poèmes anglais qu’il avait étudiés à Oxford. Enfin, il consacrait un soin particulier à l’étude des langues tant anciennes que modernes et il y trouvait un double avantage, s’éclairant ainsi aux sources les plus pures sur les mœurs et les institutions des peuples, tout en trouvant, dans l’exercice même de la traduction, un des meilleurs moyens de perfectionner son style.

Il s’attachait surtout à se familiariser avec la langue d’Aristote, prévoyant justement qu’il trouverait dans la lecture des philosophes de la Grèce les données les plus précieuses sur l’origine des sciences et de la civilisation. Aussi, il acquit, pour son temps, une rare connaissance de cette langue, et, s’il est vrai que, suivant le mot du Rev. Sydney Smith, le grec n’ait jamais passé la Tweed en force, Adam Smith en savait du moins beaucoup plus que les autres Écossais de son époque ; plus tard, dans les discussions philologiques qu’il aimait à soutenir, il étonnait encore le professeur de grec de l’Université de Glasgow,