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fois l’esprit et le cœur de ses élèves, et, en suivant ses leçons, qui embrassaient à la fois la religion naturelle, la morale, la jurisprudence et le gouvernement, Smith sentit se développer rapidement en lui un goût très-vif pour les sciences morales et politiques qu’il devait si brillamment illustrer un jour. La méthode philosophique du maître fit aussi sur lui une profonde impression et il comprit vite, l’excellence du procédé scientifique qui vérifie les résultats de l’observation interne par les données qu’offrent au philosophe l’histoire générale, l’histoire des sciences, des arts, de la littérature, c’est-à-dire l’histoire de la marche de l’esprit humain.

Hutcheson d’ailleurs se multipliait. Outre les cinq leçons qu’il faisait, chaque semaine, pour le développement de son cours, il réunissait trois autres fois ses élèves pour expliquer avec eux, dans les textes originaux, les passages les plus remarquables des grands écrivains grecs ou latins qui ont traité de la morale, et, le dimanche même, dans la soirée, il les entretenait de l’heureuse influence du christianisme sur le développement de la moralité. Smith put ainsi se pénétrer des doctrines de ce maître éminent : au surplus, son cœur l’y avait préparé. Comme Hutcheson, il était animé des sentiments les plus généreux à l’égard du peuple ; comme lui aussi, il sentait que l’homme est fait pour être heureux et qu’il suffit de la liberté pour le conduire au bonheur.


Mais la famille d’Adam Smith désirait pour lui la carrière ecclésiastique, et, dans ce but, elle voulait que le jeune étudiant allât, suivant la tradition, continuer ses études en Angleterre. À vrai dire, il n’avait pas de fortune ; mais il existait à Glasgow une fondation, « The Snell Exhibition », qui permettait d’envoyer à Oxford quelques jeunes gens destinés à l’Église, et c’est ainsi que Smith partit pour la célèbre Université, en qualité de boursier du collège de Balliol.

Son biographe Dugald-Stewart nous a appris peu de chose sur sa vie, pendant les sept années qu’il passa en Angleterre. De son côté, lord Brougham[1] a publié, il est vrai, un certain nombre

  1. Lives of men of letters and science who flourished in the time of George III, by Henry, lord Brougham, 1816, 3 volumes grand in-8. London.