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seul durant quelques instants, il fut aperçu par une bande de ces vagabonds, à l’accoutrement bizarre, que l’on désigne généralement en Écosse sous le nom de tinkers ; ces rôdeurs enlevèrent l’enfant et s’enfuirent au plus vite dans la forêt voisine pour se soustraire aux recherches. Heureusement, on ne tarda pas à constater la disparition du jeune Adam ; M. Douglas, accompagné de ses gens, se mit aussitôt à la poursuite des malfaiteurs et il fut assez heureux pour leur arracher leur captif qu’il remit sain et sauf dans les bras de sa mère affolée.

Le reste de l’enfance de Smith se passa sans incidents. Il reçut les premiers rudiments de son éducation sous les yeux mêmes de sa mère, à l’école de Kirkaldy, qui, dirigée par un homme consciencieux et actif, M. David Miller, jouissait alors d’une réputation assez étendue. Dès cette époque, il se faisait remarquer pour sa mémoire étonnante, servie par une véritable passion pour les livres, et il consacrait déjà à l’étude ses heures de récréation, sans se mêler jamais aux jeux de ses condisciples ; d’ailleurs sa complexion délicate lui eût interdit les exercices violents et elle l’eût mis dans un état d’infériorité continuelle à l’égard de ses camarades. Il passait son temps à lire, à observer ou à réfléchir. Déjà il avait pris l’habitude de parler seul, d’être distrait en compagnie, et ces singularités, s’aggravant avec l’âge, devaient donner plus tard un caractère parfois bizarre à sa physionomie. Cependant ses camarades le tournaient peu en ridicule ; il était si bon, si généreux, toujours prêt à rendre service, que chacun l’aimait, et on lui évitait ces sarcasmes, quelquefois pénibles et souvent impitoyables, que se décochent les écoliers entre eux.

En 1737, à l’âge de quatorze ans, il quitta Kirkaldy pour aller continuer ses études à la célèbre Université de Glasgow. Sa mère se résigna avec peine à cette séparation, mais elle était femme d’une grande valeur comme d’une rare énergie, et son intelligente affection comprit qu’elle devait se sacrifier à l’avenir de son fils.

Ce séjour de trois années à Glasgow devait avoir en effet une influence décisive sur la vie et les études d’Adam Smith. Hutcheson y professait alors avec éclat. Sa parole ardente, convaincue, qu’animait un profond amour de l’humanité, gagnait à la