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qui est propre à notre époque et que la répugnance de l’auteur pour l’exagération et le paradoxe contenait dans les limites de la nature. »

Cette étude historique a été d’ailleurs jugée d’une manière magistrale, soit dans les Leçons de Victor Cousin sur la philosophie écossaise, soit dans les Cours de Jouffroy, et tout ce que nous pourrions en dire a été professé déjà par des maîtres éminents dont nous ne saurions que citer les appréciations et les critiques. Néanmoins, il nous a paru bon de donner ici un aperçu rapide des diverses parties de ce grand ouvrage par lequel le professeur de Glasgow voulait se présenter au monde savant. La valeur de ce livre a été méconnue trop souvent : on a voulu n’y voir que l’erreur du principe, on a passé, sans y prendre garde, sur cent applications ingénieuses, sur mille observations délicates, et, récemment encore, un publiciste distingué, compatriote de Smith, M. W. Bagehot, dans un article qu’il écrivait il y a quelques années sur la personne du célèbre économiste, condamnait fort injustement les travaux du philosophe à Glasgow, où « il habillait, disait-il, en mots pompeux des théories très contestables ». Cet ouvrage était l’objet de la prédilection de Smith ; il le considéra, jusque dans les dernières années de sa vie, comme son plus grand titre de gloire, et il était bien loin de se douter que son œuvre favorite tomberait presque dans l’oubli, tandis que, grâce à la Richesse des Nations, qui lui semblait moins achevée et moins homogène, son nom traverserait les âges.


§ 3. — Considérations sur l’origine et la formation des langues.


En même temps que la deuxième édition de la Théorie des sentiments moraux et dans le même volume, Smith publia un nouveau traité sous le titre de Considérations sur l’origine et la formation des langues. Cette étude, sans lien apparent avec la précédente, se rattachait cependant encore au vaste plan de l’Histoire générale de la Civilisation.

Pendant son séjour à Edimbourg et son professorat de Glasgow, le philosophe écossais avait préparé simultanément les éléments d’un ensemble de travaux par lesquels il se proposait de faire connaître le développement scientifique de l’esprit humain, au