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avoir un certain degré de ressemblance avec la vérité et même être mêlées de vérité. Un auteur qui nous propose un système de physique et qui prétend faire connaître les causes des principaux phénomènes de l’univers, est comme le voyageur qui veut nous dépeindre un pays éloigné, qui peut nous en dire tout ce qu’il lui plaît et se flatter d’être cru, tant qu’il ne sort pas du cercle des probabilités. Mais le philosophe qui veut expliquer l’origine de nos désirs et de nos affections, de nos sentiments d’approbation et de désapprobation, ne prétend pas seulement nous rendre compte de ce qui intéresse ceux avec lesquels nous vivons : il veut nous instruire de nos affaires domestiques. Alors, semblables à ces maîtres indolents qui se confient à un intendant fripon, nous sommes sujets à être trompés ; mais nous sommes incapables d’admettre un compte où il ne se trouverait aucune ombre de vérité ; il faut au moins que quelques articles soient justes, et même que les plus importants soient, à quelques égards, véridiques, sans quoi la plus légère attention suffirait pour découvrir la fourberie. Un auteur qui nous donne pour cause de nos sentiments naturels un principe qui leur est étranger et qui n’a même aucun rapport avec leur véritable principe, paraîtrait absurde et ridicule, même au lecteur le moins éclairé. »

Ce raisonnement était fort juste. Aussi, grâce à la puissance de travail que possédait Adam Smith, il arriva à acquérir la preuve de ce qu’il avait prévu, et il s’est attaché à montrer, dans les divers systèmes qui ont occupé tour à tour la scène philosophique, ce que chacun d’eux avait d’exact et quelle était l’observation, toujours vraie ou paraissant telle, qui lui avait servi de point de départ. On ne saurait trop admirer, sous cet aspect, le caractère du maître : consciencieux dans toutes ses œuvres, il juge les autres par lui-même, il ne combat jamais une doctrine qu’après l’avoir bien comprise et s’être complètement pénétré de son esprit.

Aussi, le bref exposé des divers systèmes qu’il a passés en revue est fort intéressant. Il y classe les écoles d’après leur réponse à deux questions principales qu’il pose à chacune d’elles : il leur demande, en premier lieu, en quoi consiste la vertu ou quel est le mode de conduite qui constitue un caractère excellent et di-