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Nous nous attacherons à montrer en même temps l’unité de plan, l’unité de conception qui se manifeste dans les œuvres d’Adam Smith, si différentes au premier abord, dans la Théorie des sentiments moraux qui repose sur la sympathie, comme dans la Richesse des Nations fondée sur l’intérêt. Nous verrons comment ces monographies de la sympathie et de l’intérêt ne constituent en réalité, avec les Essais philosophiques, que des fragments séparés d’une histoire plus générale de la civilisation, où la grande préoccupation de l’auteur est de faire ressortir, dans les phénomènes moraux comme dans les phénomènes matériels, cette tendance à l’harmonie universelle que son esprit et son cœur avaient devinée.

Nous commencerons cette étude par une biographie, aussi complète que possible, du Dr  Smith ; nous nous efforcerons de nous pénétrer de sa vie, de faire connaître l’homme sous son véritable jour, en mettant surtout en lumière les différentes circonstances qui expliquent ses travaux et qui ont exercé une influence si considérable sur la tournure de son esprit et la direction de ses recherches. « La biographie, a dit en effet Rossi[1], n’est pas sans utilité pour l’histoire de la science : il est des faits personnels qui ont un rapport intime avec le développement scientifique de l’individu et avec les créations de son génie. » Or il en est ainsi pour Adam Smith plus que pour tout autre.

Dans une seconde partie, nous examinerons ce qui nous reste de ses divers travaux philosophiques ; mais, en nous inspirant de l’esprit qui semble avoir présidé à la décision de l’Académie, nous n’en signalerons que les traits principaux, nous réservant de donner une plus grande extension à l’étude des doctrines exposées dans la Richesse des Nations, cette œuvre puissante qui a assis et complété, en les rectifiant, les principes de la science économique que Quesnay venait de fonder, et qui, née en France, devait se développer si vigoureusement sur le sol britannique.

  1. Rossi, Journal des Économistes, 1842, t. II, p. 222.