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enfants d’une place prise d’assaut. Les droits des neutres seront respectés, et la course a été abolie.

En principe donc, la guerre s’est humanisée. Mais les armées sont devenues bien plus nombreuses, les armes, infiniment plus redoutables : aussi ses cruautés sont-elles, en fait, aussi effrayantes, plus effrayantes peut-être que dans le passé. Quelques mêlées, plus légendaires qu’historiques, l’emporteraient seules en férocité sur les batailles de Mandchourie. La guerre russo-japonaise a fait environ un demi-million de cadavres. À elles seules, les dix-huit journées successives : du 23 février au 12 mars 1905, ont vu, autour de Moukhden, la sinistre moisson de quatre-vingt-douze mille jeunesses en fleur.[1] Et pourquoi ces massacres ? Pour la conquête d’un sol qui n’appartenait à aucun des belligérants ! Timour-Lenk, disait-on, avait entassé une pyramide de têtes humaines, en sinistre trophée d’une de ses victoires. Quelle pyramide n’aurait-on pas élevée avec les têtes des vaincus et des vainqueurs tombés à Moukhden ! Quel sombre banquet n’eût-on pas offert aux corbeaux ! Verestchagine, le grand peintre des horreurs de la guerre, nous a montré un tableau pareil. Au-dessus de crânes luisants, aux yeux mangés, les oiseaux de deuil volent d’un vol lourd, cherchent, avec des cris rauques, la provende disparue, que leur avait si libéralement préparée un conquérant depuis longtemps dans la tombe. Ces corbeaux, pélerins noirs des champs de carnage, il les a montrés encore, se posant sur les fils télégraphiques des plaines glacées de Plevna, ou s’abattant sur un dernier lambeau de cadavre. Si les morts de

  1. Et les morts dans les batailles ont été, en toutes les guerres, très inférieures en nombre aux morts par maladies. Le choléra, le typhus, toutes les contagions sont les compagnons sinistres des troupes en campagne. D’après Jean de Bloch, en Crimée, il y a eu 20 décès par maladie pour un par les armes.