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de la leur. Chez les poètes modernes, que de tableaux pleins de couleur sur les horreurs des mêlées ! Ils sons singulièrement expressifs ces traits de Hugo représentant le soir d’une bataille :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Une dispersion de membres foudroyés,
Des bras rompus, des yeux troués et noirs, des ventres
Où fouillent en hurlant les loups sortis des antres

Napoléon lui-même ne put réprimer un frémissement devant les trente mille corps sanglants, étendus sur la neige rougie d’Eylau.

Mais exposons seulement les faits contrôlés : meurtres, vols, viols, ruines, qui sont le cortège permanent de la guerre. Ils parleront aussi éloquemment contre son atrocité que les plus émouvants écrivains.

Sans doute, elle est aujourd’hui moins féroce qu’elle n’a été, si nous considérons les règles qui la régissent, dans les pays dits civilisés. On n’achève plus les blessés ; on les recueille, au besoin, dans les ambulances de leurs ennemis mêmes. La Croix Rouge est un palladium qui préserve, autant que faire se peut, les hôpitaux, les malades, les médecins, les infirmiers. Elle sert d’étendard à la petite patrie de la pitié humaine, au milieu des fureurs anarchiques. Pourtant Jean de Bloch ne croit pas, dans les guerres futures, pleinement à son efficacité protectrice, malgré la bonne volonté des belligérants. Les zones dangereuse seront trop étendues, sur les champs de bataille, pour qu’on puisse assurer la vie des blessés et de leurs sauveteurs. La guerre du Transvaal semble prouver que Jean de Bloch est dans le vrai. Admettons toutefois qu’il se trompe. Reconnaissons encore qu’on ne met plus à feu et à sang les villes ouvertes. On n’oserait pas, non plus, massacrer désormais, sans distinction, les femmes et les