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— Dame !… fit-elle d’un air humilié, ça s’ra pas du café comme celui qu’on buvait chez vous, bien sûr !

Il se mit à protester poliment, tout en s’essuyant les yeux. Et, pour se faire une contenance, peut-être, il recommença d’examiner discrètement cet intérieur reluisant qui le surprenait.

Ludivine profita de cette attitude pour amorcer la conversation qu’elle brûlait d’avoir avec lui.

Tout en lui servant son café :

— Vous devez pas être bien, commença-t-elle, à l’hosp…

Vite, elle se reprit, ne voulant pas prononcer l’affreux mot, et dit : « Là où qu’on vous a mis ? »

Le petit but une gorgée de café, mais ne répondit rien.

Plantée devant lui, les mains aux hanches, ses yeux audacieux le scrutant, elle insista, cruelle à dessein :

— Allez-vous bientôt partir pour l’orphelinat ?

Il posa si vivement sa tasse sur la table qu’il faillit la casser. Sonore, lamentable, déchirant, le sanglot éclata. C’était fait. Le cœur, enfin, venait de crever.

Les bras sur la table, la tête enfouie :

— Papa ! criait le mousse effondré. Maman !… Maman !… Julien !.…

Ses épaules se mirent à rouler. Tout son corps était secoué, secoué par un désespoir tel qu’on eût dit qu’il allait en mourir.

Ludivine, qui se penchait sur lui, se retourna. Sa mère entrait.

La grêlée s’arrêta, sur le pas de la porte. Immobile, retenant son souffle, elle resta devant cela comme devant une chose sacrée.

La fillette, calme, avait pris l’enfant par les épaules. Elle approcha sa bouche tout contre l’oreille qui dépassait du creux des bras repliés.

— Dites ?… murmura-t-elle, dites ?… Voulez-vous ?… Voulez-vous rester ici, dans votre pays, dans votre ville, avec nous ?

Il entendit enfin. La clameur de son désespoir s’assourdit.

Lentement il releva la tête et regarda Ludivine à travers ses