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la pêcha, paquet ruisselant et vivant. À peine eut-elle le temps de murmurer le nom du jeune homme. Évanouie, il la laissa couchée à ses pieds, reprit l’amarre, la jeta de nouveau.

Lauderin, submergé jusqu’au cou, épileptique, monotone :

— Ne me laissez pas !… Ne me laissez pas !…

Les deux marins l’avaient empoigné. Porté par eux à la nage, poussé, chaviré, puis traîné par l’amarre, il put, le long de la coque, se cramponnant à son tour, être hissé jusqu’au haut. Là, Delphin l’attrapant par la tête, par le cou, par le dos, le fit enfin passer à bord, complètement inanimé, peut-être privé de vie.

Plus rapide fut la montée du père La Limande et de son matelot.

Enfin :

— Vous y êtes bien tous ?… Oui !… Alors levons l’ancre, mon père La Limande ! Et sortons d’là… si nous pouvons !

Ils étaient maintenant trois hardis marins à bord pour parer au péril. Droit sur Honfleur la barque blessée galopait, enfouie par instants, montant et descendant les vagues gigantesques. Et, zigzaguant encore dans la tempête, mêlée au désordre des voiles repliées, la flamme de deux couleurs palpitait, petite chose fragile, symbole d’un amour plus fort que la mort.

ÉPILOGUE

L’humble noce de Delphin Le Herpe et de Ludivine Bucaille sortait de l’église Sainte-Catherine, et toute la marine du port marchait derrière eux, car ils étaient les héros d’une aventure à la suite de laquelle on avait porté Delphin en triomphe.

Marche chaloupée, visages émus, ils étaient là, les jeunes et les vieux, les sérieux et les blagueurs, physionomies ordinaires et types inattendus, le vieux loup de mer tout rasé qui porte, sur une tignasse frisée et blanche, un si étrange bonnet de laine