Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243

— Voilà la première fois que nous nous promenons seuls, petite chérie ! Comme il va faire bon en mer, par cette chaleur ! Au fond, c’est toujours vous qui avez les bonnes idées !

Un sourire crispé lui répondit. Ludivine rétractait sa main dans les doigts qui la tenaient. Heureux d’être vu par ceux de la jetée, Lauderin se pencha pour l’embrasser dans le cou.

— Il faudra bien nous tenir !… annonça-t-il d’un air de conquête. Nous sommes surveillés, vous savez ! Tout à l’heure, quand je suis remonté, ils m’ont tous dit, en haut, qu’ils allaient reprendre la voiture pour aller aux Bruyères et nous suivre dans les jumelles !

Il poursuivit, triomphant :

— Ils se sont tous fichus de moi, mais, s’ils savaient comme je suis heureux, à présent, ils en crèveraient de jalousie !

Elle le laissait parler, en proie à sa déception furieuse, et son silence laissait croire à l’autre qu’enfin quelque douceur et quelque sentimentalité répondaient à ses roucoulements.

— Petite chérie, écoutez-moi…

La mer, autour d’eux, passait comme un fluide blanc. Les deux marins, assis à quelque distance, échangeaient entre eux de brefs propos, baissant la voix pour ne pas gêner le duo des amoureux.

Lauderin, exalté par les vins du déjeuner, le mutisme immobile de Ludivine et la course tranquille du bateau, racontait longuement ses projets d’avenir.

— Vous verrez comme vous serez heureuse ! Vous verrez comme je vous aimerai !

Vinrent les détails de cet amour, qui mirent une brûlure à ses pommettes. Tout le bras de Ludivine était maintenant dans ses mains. Voyant qu’elle ne résistait pas comme d’ordinaire, il osa la prendre par la taille. Il ne sentait pas avec quelle répulsion elle raidissait ses muscles contre lui, ne savait pas qu’elle luttait pour ne pas bondir et l’assommer de coups de poing, parmi des flots