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rait peut-être profiter de ce répit pour aller tout tranquillement au Havre sans en parler à personne. Elle s’endormit sur de beaux projets, et riant toute seule dans son lit.

Cependant, dès le lendemain, dans la matinée, elle reçut un petit paquet et une lettre.

Lauderin n’allait pas jusqu’à envoyer des fleurs, usage peu pratiqué dans son monde. Mais Ludivine, après avoir lu la lettre, excuses et platitudes, trouva dans le paquet un bracelet d’or qu’elle jeta en l’air sans même le regarder, pour le scandale de la mère Bucaille, qui dut ramasser le bijou sous le lit.

— Tu vas y dire merci, au moins ?…

— R’gâde dans m’n’œil !… répondit grossièrement la jeune fille.

Et la dispute violente qui suivit, arrosée de pleurs maternels, rappela les mauvais jours de la maison.

À l’heure de la marée, la petite alla flâner du côté du bateau du Havre. Elle avait calculé que, dans quatre jours, le bateau partirait le matin, et qu’elle pourrait le prendre pour passer tout l’après-midi dans les bras de son Delphin. Déjà ses rêves s’orientaient, coupables et palpitants. Mais elle aperçut tout à coup, parmi le désordre bruyant du quai d’arrivée, allant et venant dans la foule, Lauderin lui-même, qui semblait la chercher.

Il la devinait donc, celui-là !

Dès qu’il l’aperçut, il se précipita vers elle, qui tourna les talons aussitôt.

— Petite chérie !… Petite chérie !… haletait-il en courant pour la rattraper, vous avez reçu ma lettre, n’est-ce pas ?… Et j’espère que le bracelet vous a fait plaisir, dites ?…

— Si vous n’me quittez pas tranquille, gronda-t-elle en marchant sur lui, j’vous vomis devant l’monde tout c’que j’sais et tout c’que j’sais point !… Et que jvous prenne seul’ment une fois encore à rôder autour de mes naseaux, vous verrez si c’est pendant huit jours ou pendant un an que j’vous mortifierai !