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Ludivine retint des réflexions plaisantes. Elle avait pris d’un coup d’œil, en bonne Honfleuraise, la caricature de tous ces gens-là. Mais elle ne voulait pas gâter la promenade en froissant l’adolescent.

Les talus, maintenant en plein soleil, étaient blancs de pâquerettes, jaunes de boutons d’or, bleus de gentianes. Des branches d’aubépine rose pendaient. Ils trouvèrent même quelques derniers coucous, dans les creux d’ombre.

Comme les petits garçons s’étaient éloignés un peu, cherchant de leur côté, Ludivine, qui tendait ses bras déjà chargés pour recevoir une branche d’aubépine que Delphin venait avec peine de casser, vit celui-ci revenir vers elle avec des yeux si émus qu’elle se demanda ce qui lui arrivait.

Il posa tout doucement sa branche fleurie par-dessus les autres, puis resta là, sans plus oser regarder la fillette, mais si près d’elle qu’elle sentait son souffle passer. Elle ouvrit la bouche pour demander, étonnée : « Qu’est-ce que tu as ? » mais elle vit qu’il allait parler.

— Ludivine murmura-t-il.

En silence elle attendit, comprenant peut-être, tout-à-coup.

Le garçon avala sa salive. Une rougeur montait à son front. Il leva sur elle un regard désolé, timide, infiniment tendre, et, d’un seul trait, osa sa phrase :

— Puisqu’on est pour vivre ensemble, dis ?… Pourquoi qu’on serait pas fiancés ?… J’sais bien qu’on est encore trop jeunes pour se parler, mais moi j’taime tant… tant !… J’pourrais pas penser qu’t’en épouserais un autre que moi, plus tard.

Abasourdie, elle le considérait. Il lui faisait une déclaration d’amour ! Cela lui parut si drôle qu’elle se mit à pousser des éclats de rire. Et, tout empourpré, le pauvre petit gas comprit.

Maintenant qu’elle savait son secret, Ludivine, terriblement, éperdument, allait le taquiner jusqu’à le faire mourir.