Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124

qui me connaissent bien. » Comme tous les marins, il avait l’adoration de la campagne, qui semble si douce et si variée après la mer.

Il tenait le bras de Ludivine, et chacun d’eux donnait la main à l’un des enfants. Allant ainsi de front tous les quatre, ils se sentaient moins seuls dans la grande nature pleine d’humide silence, et tout imprégnée encore des solennités mystérieuses de la nuit.

Depuis un moment, les premiers oiseaux s’éveillaient, Et ces petites voix, qui semblent celles mêmes des feuilles, ces petites voix qui grandissaient avec le jour étaient aussi rassurantes que la lumière.

Les deux petits garçons, faisant comme les oiseaux, s’étaient mis à gazouiller, puis à chanter à tue-tête. Mais Ludivine et Delphin ne disaient rien. Elle ne savait pas à quoi pensait le mousse, mais…

Ces routes, que de fois elle les avait parcourues, à d’autres heures, avec ses camarades anciens ! Elle voyait au passage l’entrée de fermes où elle avait houspillé des bestiaux, volé des pommes. Et quand, ayant pris un chemin creux, ils pénétrèrent enfin par cette barrière, elle reconnut, avec un petit frisson, le lieu d’une expédition fameuse où, suivie de sa horde, elle avait failli se faire surprendre par les fermiers.

Delphin avait bien calculé son heure. Ils pénétrèrent dans l’herbage trempé de rosée juste comme le soleil faisait explosion entre les arbres, et pour y trouver la fille accroupie au pied de la première vache.

— Salut, bonnes gens, dit celle-ci. Qui qu’vous d’sirez ?

La fermière parut sur le seuil de la maison. Delphin se fit connaître, et cela suscita des petits cris. On appelait la famille. Le mousse embrassé, tourné et retourné dans les mains de tous, un regard froid enveloppa Ludivine et ses frères. Elle n’avait pas bonne réputation dans les alentours, et tous ceux qui avaient connu la famille du petit