Page:Delarue-Mardrus - Toutoune et son amour.pdf/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la nourrice, le passé dont jamais l’enfant ne s’était souciée, semblait envahir le manoir et ses dépendances, reprendre son immense place dans les pièces démodées, dans le parc à l’abandon, dans les prés restés les mêmes, sur les routes vides et fuyantes, sous le ciel changeant où se succédaient les couleurs des saisons.

De par la sorcellerie des mots, Toutoune, à présent, se sentait liée à son ascendance. Le mot Gourneville prenait, pour elle, un sens inconnu. Le manoir, qu’elle avait toujours aimé, devenait, pour la petite descendante, une maison hantée, hantée par l’esprit de la famille, demeure mystérieuse du bon vieux temps. Abandonnée des siens, l’enfant allait peu à peu faire la connaissance de l’âme de sa vieille maison, cette âme grand’mère qui nous accueille et nous berce quand nous n’avons personne pour nous aimer.

Une fraîcheur de nouveauté faisait briller les yeux singuliers de la petite fille sans