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voiles, il y a le petit paquebot qui traverse tous les jours l’estuaire. Ce bateau, qui date des premiers temps de la vapeur, a deux grandes roues, une de chaque côté, qui font bouillonner l’eau verdâtre des bassins. Le cri de sa sirène déchire le cœur de Toutoune. Les odeurs du port et son va-et-vient, les vieilles maisons mirées profondément, les fumées, les bouées échouées, les pêcheurs en vareuse bleue, portant l’anneau d’or à l’oreille, tout cela parle de voyages, comme certains livres qui racontent les histoires des îles… Oh ! le cri de ce petit paquebot ! C’est comme cela que doit crier celui sur lequel maman s’embarque pour l’Algérie…

Une angoisse et un charme composent la nostalgie, cette chose qu’on aime et qui fait souffrir. Désir de partir, goût de rester, sanglot vers les absents, espoir qu’ils vont revenir, du trouble, du trouble, un trouble plus grand que celui du dimanche à la messe, les yeux qui ont envie de pleurer, la bouche qui voudrait sourire…