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Dîner sans lampe, c’est un des signes les plus marquants de la longueur des jours d’août. La cuisine luisait de cuivres, belle dinanderie que Mme Lacoste faisait avec acharnement briller, selon des rites presque sacrés en Normandie. Toutoune racontait sa promenade sans événements, petite voix bavarde, enchaînait des niaiseries. Mais tout ce qu’elle ne pouvait pas dire, tout ce qui restait pour elle sans mots, admirations, rêveries, atmosphères respirées, couleurs, senteurs, bruits de l’été, tout cela, tragiquement, restait enseveli dans le silence impuissant de l’enfance.

Avant d’allumer la lampe, Lacoste ferma portes, volets, toutes les paupières de la maison. Toutoune, à cette heure-là, devenait triste jusqu’aux larmes.

Silencieuse, elle s’installa sous la lampe, à côté de la nourrice qui ravaudait ; et elle repassa ses leçons en pensant à autre chose. Puis, quand l’ancien douanier, qui venait de frapper, eût dit bonsoir et pris un verre