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petite, petite, et plongée dans l’ignorance de tout, dans l’inconnu, dans une terreur sourde et constante, assez délicieuse.

Tout s’efface là. Un an, quand on est en bas âge, passe comme une éternité.

Je me revois très longtemps après, ici, au manoir d’où je ne suis pas sortie depuis. À cette époque, tout y est bien trop grand pour moi. Mais il y a maman dans la maison et dans le parc, et je la vois beaucoup plus souvent qu’à Paris. Je n’ai plus ma bonne, mais on m’a donnée à la mère Lacoste, qui était jadis la nourrice de maman, la même mère Lacoste qui dort dans la chambre à côté, ce soir.

…Et puis, il y a le jour où je me suis éveillée dans mon petit lit, et où la pauvre vieille est venue en pleurant me dire, mettant ses paroles à ma portée :

— Pâtie, maman. Pâtie… Loin… loin…

Partie ? Pendant que je dormais ?

Dès cette minute, la grande terreur sourde